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Comment instaurer de la cohésion dans une entreprise en 100% télétravail ? avec Jean-Baptiste Delhommeau



Audrey : Jean-Baptiste, peux-tu te présenter, nous dire quel est ton poste et dans quelle entreprise ?

Jean-Baptiste : Je suis Jean-Baptiste Delhommeau, Engineering manager chez Yousign, une entreprise spécialisée dans la signature électronique. Je m'occupe d'une équipe de développement, côté plateforme. La plateforme, c'est tout ce qui concerne l'infrastructure de la mise à disposition du service. Mon travail, c'est de fournir tous les outils nécessaires aux équipes produits pour qu'elles soient le plus efficaces possible. Ces outils sont soit techniques, soit de documentation. L’équipe est entièrement en full remote donc 100% en télétravail. C’est le cas depuis la genèse de l'équipe et plus généralement de l’entreprise. Au total, nous sommes environ 200. Le pôle Engineering et Product compte 100 personnes, en distanciel, soit la moitié de la société.


La vision de Jean-Baptiste

Audrey : Est-ce que tu peux nous parler de ta vision du travail d'équipe en tant que manager ?

Jean-Baptiste : Chaque manager est bien sûr différent. Je suis très proche de mon équipe (qui compte 3 personnes). Je m’implique et je prône l'autonomie, c’est un pré-requis ancré dans la culture d’entreprise. En tant que manager, on est vraiment garant de la bonne tenue des objectifs à l'échelle de l'entreprise, de son domaine d'activité et de son secteur. Il y a 4 niveaux d'objectifs, toujours alignés sur ceux de l’entreprise.

C'est très important de savoir que les missions ont vocation à servir l'entreprise avec une vision et un objectif commun. Sans ça, on peut avoir la sensation de travailler inutilement et donc une perte de sens.

En tant que manager, je suis vraiment garant d’insuffler cette vision et d’en montrer l'intérêt à mes collaborateurs.

L'information doit être transparente pour que tout soit le plus clair possible pour eux. Je dis souvent que je suis un fluidifiant pour mes collaborateurs. J'essaie toujours de faire en sorte qu’ils aient vraiment le moins de contrainte possible pour être le plus efficace et le plus détendu au travail.


La QVCT en 100% télétravail

Audrey : En termes de qualité de vie au travail, que mets-tu en place ?

Jean-Baptiste : J'ai une totale liberté sur l'organisation de mon équipe. A l'échelle de l'entreprise, il y a des moments qui sont imposés comme les réunions mensuelles et hebdomadaires. En dehors de ces rituels, mes collaborateurs sont libres. C'est à la fin de la semaine qu'on voit si on a rempli ou non les objectifs d'équipe. Le collaborateur est complètement libre de s'organiser comme il veut à partir du moment où il respecte les engagements de l'équipe et ceux envers ses collègues. S’il a un empêchement comme un rendez-vous chez un médecin, il doit les prévenir. Si l'engagement n’est pas tenu, sans raison, alors dans ce cas-là je suis assez rigide. C’est du bon sens : si on s’engage et qu’on n’est pas présent, on met dans la panade ses collègues donc on prévient, c’est ça le collectif. Et j’en suis garant.

À partir du moment où je vois qu'il y a une perte de confiance sur ce genre de règle, je vais intervenir. C'est très important d’avoir un cadre rigide. En fait, on est rigide dans la souplesse. 


Audrey : Est-ce que ça veut dire qu’en termes d'horaires, si les rituels sont respectés, chacun peut être libre ?

Jean-Baptiste : Oui ! On a juste une particularité propre à la plateforme. On doit être présent obligatoirement pour intervenir techniquement sur nos serveurs s’il y a un problème. On a donc une personne, qu’on appelle le runner ou le docteur, qui va être obligé d'être disponible de 9h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00. C’est un rôle tournant. Mais là encore, ce n’est pas figé. S’il y a un rdv important par exemple, on peut échanger, on fait preuve de souplesse.






Audrey : Yousign est en full remote depuis le début. Comment faites-vous pour garder de la cohésion ?

Jean-Baptiste : La cohésion, c'est important ! Les équipes sont petites, ce sont comme des entreprises dans l’entreprise. On a donc plusieurs niveaux de cohésion. Il y a des rituels que chaque manager met en place, des rituels officiels et officieux, des moments complètement de détente aussi où on va prendre un café, certes derrière un écran, mais on va parler de notre vie, de notre quotidien.

Et puis il y a les moments de cohésion où on va célébrer les succès. C’est très important et assez ancré dans l’entreprise. C’est une fierté d’avoir réussi collectivement à remplir des objectifs. Cette politique du feedback est très ancrée. Qu’ils soient positifs ou négatifs, les feedbacks contribuent à la cohésion et l’envie de s’améliorer.

A l’échelle de l’entreprise, on a aussi 2 événements annuels - le Winter et le Summer event - où toute l'entreprise se retrouve en présentiel.Le manager a également un budget qu’il peut utiliser 4 fois dans l'année pour inviter ses collaborateurs où il veut, et ce n’est pas pour travailler ! On crée du lien social, on va boire un verre, on fait des jeux. C’est comme ça qu’on se sent embarqué et qu’on s’entraide aussi. 

Audrey : En dehors des 2 events, est-ce que les 200 collaborateurices se retrouvent ?

Jean-Baptiste : Oui, on a quand même des rituels assez forts où on se retrouve, souvent autour de thématiques liées au travail, plus ou moins légères.
Parfois aussi, on va mélanger un peu les équipes. Elles vont travailler sur des sujets en collaboration. Il y a donc des échanges qui se font avec des outils vocaux ou des outils de visio, des interactions où on parle de tout et de rien.

Audrey : Après presque 4 ans chez Yousign et en 100% télétravail, ressens-tu vraiment une cohésion ?

Jean-Baptiste : Oui clairement ! Je suis très fier d'être chez Yousign. Mon manager me motive, m'embarque. On se boit des cafés entre collègues, certes virtuels. Je traverse aussi la France pour aller voir des collègues qui sont devenus des amis. On s'envoie des messages en privé pour prendre des nouvelles de nos enfants par exemple. On n’a pas les mêmes échanges qu’en mangeant ensemble le midi en présentiel, c’est sûr, mais ils sont là.

Audrey : Finalement, présentiel ou distanciel, ce n'est pas ce qui fait la cohésion si j’ai bien compris ?

Jean-Baptiste : C'est intéressant ce que tu dis. Avec mon équipe, on parle très souvent de boulot mais la vitre se brise rapidement car en visio, on est vite chez la personne. On voit un enfant qui demande les codes de la Playstation ou on entend un livreur sonner à la porte. On est dans le petit cocon de son collègue en fait. Quand on est en présentiel, on est dans le cadre du boulot donc on dit un peu ce qu'on veut. En distanciel, on ne peut pas mentir car on voit derrière. On se sent presque invité. Le masque du travail tombe un peu et ça crée des relations un peu différentes. C'est rapidement très sincère même si c’est moins souvent.


Les bénéfices


Audrey : On peut donc dire que la fréquence n’est pas gage de qualité des échanges ! Quels sont les bénéfices pour tes collaborateurs d’être en 100% télétravail ?

Jean-Baptiste : Ils y voient de nombreux bénéfices en termes d'organisation et d'équilibre vie pro/vie perso.
Il n’y a plus de temps de transport, on peut rapidement aller chercher ses enfants à l’école, on peut aller faire du sport et prendre des rdv médicaux plus facilement si on a des petits problèmes de santé. Donc beaucoup plus de flexibilité et de confort. On est quand même beaucoup plus focus aussi à la maison, il n’y a pas le bruit de l’open space par exemple.
Le revers, c’est qu’il y a moins de lien social, parfois c'est même trop calme. Il y a donc des avantages et des inconvénients.

Audrey : Pour le côté “trop calme”, avez-vous la possibilité d’aller coworker ?

Jean-Baptiste : Oui, tout à fait, c’est un des bénéfices que propose l'entreprise. On a un budget mensuel qu'on peut utiliser pour aller dans le coworking de notre choix et donc voir du monde si on en ressent le besoin. On peut d’ailleurs se retrouver avec des Yousigners car il y a des pôles un peu partout en France maintenant : Rennes, Marseille, Lyon, Bordeaux, Nantes…
Par contre, c’est plutôt pour créer du lien et partager des moments conviviaux car finalement, avec cette culture du remote, on ne peut pas travailler ensemble en présentiel. Les réunions sont en visio et les habitudes de travail sont prises.

Audrey : Si tu prends un peu de hauteur, qu'est-ce que tu améliorerais ?

Jean-Baptiste : Pour moi, la question porte plutôt sur la limite de ce modèle. Tout le monde ne peut pas adhérer à cette culture d’entreprise.
Pour que ça fonctionne, il y a 2 choses. La première, c'est que l'entreprise soit organisée pour le full remote. Il ne faut pas d’hybride car ça crée des choses bizarres dans les interactions. La deuxième : avoir une grosse confiance. En distanciel, on ne peut pas appliquer le micro management et vérifier sans arrêt ce que fait le collaborateur.
Il faut donc avoir des objectifs clairs. C'est une confiance différente qui doit être instaurée.

Il y a des personnes qui ne sont pas faites pour ce type de fonctionnement. On a déjà dû se séparer de quelqu’un qui ne respectait pas les engagements d'équipe et qui associait le télétravail à la liberté absolue de faire ce qu’elle voulait quand elle le voulait.
Avec les juniors alternants, par exemple, c'est très compliqué. On a eu un taux d'échec beaucoup plus important parce que c'est difficile d’être autonome pour eux et donc de rentrer dans ce système. Le distanciel, c’est vraiment une éducation et je pense qu'il faut déjà avoir travaillé ailleurs pour se rendre compte de ce qu'on attend de nous en tant que personne opérationnelle et compétente.
Le recrutement est donc très important. Généralement, c’est à ce moment-là qu’on s’en rend compte et on ne va pas plus loin. On sait qu’on ne va pas pouvoir bien accompagner ces personnes.


Audrey : Est-ce que tu as d'autres points d'amélioration, notamment sur la cohésion ? 

Jean-Baptiste : La cohésion, c'est comme tout, il faut être à l'écoute de ses collaborateurs. Je le vois à l'échelle de mon équipe, certains sont très demandeurs, d'autres pas du tout, si on ne se voit pas, ce n'est pas grave pour eux, ils ne se sentent pas désengagés pour autant.
Chez Yousign, on a la chance d’avoir un faible turn over donc c’est que ça fonctionne.

Audrey : C’est assez incroyable et rare. Ce que j'entends, c'est une certaine humilité car Yousign a conscience que ce système à une limite et ne convient pas à tout le monde.

Jean-Baptiste : En fait, lors du recrutement, on ne parle pas tant que ça du télétravail, on parle plus de l'autonomie. On essaie de se focaliser sur les qualités requises pour que ça fonctionne parce qu'on sait très bien que c'est le terreau : l’autonomie, être proactif et curieux. Dans tous les cas, l’offre d’emploi indique que c’est un poste en full remote. 

Audrey : Est-ce que tu dirais que les softskills sont presque plus importantes en télétravail ?

Jean-Baptiste : Oui ! Les softskills, c'est la première chose qu'on vérifie. C’est la pierre angulaire de tous nos recrutements. On met vraiment le paquet dessus. Si on voit des signaux très faibles, on est très vigilant. Les managers ont été formés pour ça et on implique aussi les équipes. On fait une sorte de petite immersion avec les membres de l'équipe avec qui le candidat va travailler pour savoir si ça matche. Les compétences, ça s'acquiert, même s’il y a des prérequis. 



Audrey : Merci beaucoup Jean-Baptiste. Ton témoignage vient casser l'idée reçue que full remote = pas de contact avec ses collègues et donc pas de cohésion et de sentiment d'appartenance. Ce n’est pas une question de présentiel ou de distanciel mais de volonté de l’entreprise à vouloir instaurer une cohésion. Et d’ailleurs, tu as dit quelque chose d’important : vous avez un cadre rigide mais dans lequel vous êtes libres et c’est un des ingrédients de réussite il me semble.

Jean-Baptiste : Oui et d’ailleurs tous les 3 mois, les RH nous envoie un questionnaire pour mesurer le NPS, on est fier de l’utiliser, et des résultats. C’est important de voir si l’indice baisse et pourquoi.

Audrey : J’ai l'impression qu’il y a une notion d'intelligence collective ?

Jean-Baptiste : Oui car l’autonomie c’est aussi de donner la liberté de proposer des idées. J'essaye vraiment de dire à mes collaborateurs qu’ils sont créatifs et c’est moteur. Je vais être là pour les accompagner, je vais donner une direction. ça crée une émulation collective qui est exceptionnelle.

Toutes les études montrent que quand on est bien au travail, on s'investit plus et on est plus productif. Et ça transpire aussi sur son bien-être personnel.En créant un climat anxiogène, on se recroqueville. On perd en productivité et en engagement.

Audrey : Ce n’est pas moi qui l’ai dit 😉

Merci beaucoup pour ce témoignage inspirant Jean-Baptiste !

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On se suit ?

Audrey Le Roux, 
facilitatrice et formatrice
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