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Le offboarding, un passage obligé ?

Interview de Laura Chagneux-Becker

Audrey : Merci Laura de m'accorder ce temps. Je suis ravie de commencer cette première édition du Billet Pausitif avec toi et YA+K. Mon souhait avec cette newsletter, c’est d'interviewer chaque mois, soit un chef d'entreprise, soit un manager qui met en place une (bonne) pratique de qualité de vie.
Le but ? Inspirer d’autres entreprises et prouver que c’est possible.

J’ai tout naturellement pensé à YA+K puisque nous collaborons régulièrement ensemble et j’apprends beaucoup de vous. J'ai choisi cette thématique de l’offboarding parce que vous l'avez vécu récemment et j’avais donc très envie d'avoir ton retour d’expérience.
Pour commencer, peux-tu te présenter ?

Laura : Je suis Laura Chagneux-Becker. J'ai cofondé YA+K en 2016 avec Florent Ploujoux - mon associé - suite à notre coup de foudre professionnel. Le plaisir de travailler ensemble était déjà là et je pense que ça, c'est vraiment un pilier qui fait qu'aujourd'hui on porte une équipe qui est très solaire et qui prend plaisir à travailler ensemble. C'est en cohérence avec la façon dont on s'est rencontré avec Florent. Je suis aussi maman d’une petite fille, j’ai bientôt 35 ans et je suis sportive. Je suis très heureuse d'avoir un lieu de travail emblématique, qui permet à toute l'équipe d'être très épanouie, et qui m’offre un quotidien doux (je viens en vélo à la KASA).

Audrey : Vous avez changé de bureau récemment, pourquoi avoir choisi Villejuif ?

Laura : Oui, crémaillère le 19 avril 2023. Pourquoi Villejuif ? On était rue du Sahel à côté du bois de Vincennes. Lorsqu'on a vraiment enclenché le projet d'acheter un lieu pour que ce soit un lieu de travail épanouissant pour l'équipe, et qui puisse aussi accueillir des groupes, on a posé la question à toute l'équipe : quel est le critère numéro un pour vous pour imaginer ce futur lieu ? La réponse a été unanime : c'était vraiment l’accès à l'extérieur, à la nature. C’était le cas rue du Sahel qui donnait sur la coulée verte.
Aussi, dans notre façon de travailler, on a toujours eu l'habitude d'accueillir les personnes. Il suffisait de franchir une seule porte, il n'y avait ni seuil d'entrée ni escalier. Et donc on voyait toujours du vert à travers la fenêtre. Le critère numéro 1, c'était donc un jardin.

Très rapidement, on s'est rendu compte que nous n'avions pas les finances pour acheter dans Paris. Vu que le bien-être au travail est très important pour nous et qu'il y a plus de chance que Florent et moi restions engagés vis-à-vis de YA+K que certains membres de l'équipe, on a décidé d'avoir un lieu de travail proche de chez nous.

Très rapidement, on s'est rendu compte que nous n'avions pas les finances pour acheter dans Paris. Vu que le bien-être au travail est très important pour nous et qu'il y a plus de chance que Florent et moi restions engagés vis-à-vis de YA+K que certains membres de l'équipe, on a décidé d'avoir un lieu de travail proche de chez nous.

On a regardé le sud-est de la région parisienne et la vie nous a amené à Villejuif. Aujourd’hui, je suis à 15 minutes en vélo de chez moi et Florent à 5. Le reste de l'équipe n'est pas trop loin non plus.

Audrey : En quelques mots, que fait YA+K ?

Laura : Alors on est constamment en train de redéfinir les mots. Donc ne prenons pas ça pour une raison d'être officielle mais plus une intention. On aime bien définir YA+K par ses membres et dire qu'on est une équipe de facilitateurs/formateurs, passionnés par les dynamiques collectives. Si on prend du point de vue plutôt entreprise, YA+K facilite la mise en mouvement de collectifs vers des modes de travail plus collaboratifs, et propose ainsi une réponse aux défis de demain. Et moi, ce que j'ai mis maintenant sur ma couverture LinkedIn, c'est d'accompagner des collectifs à répondre aux grands défis qu'ils rencontrent aujourd'hui et demain.

Audrey : Ce que tu appelles votre équipe, c'est la “core team”. Quelle est votre vision, si on se remet dans le contexte de la qualité de vie au travail, pour cette core team ?

Laura : Avec Florent, on s’est toujours entourés de personnes qui avaient plus d'expérience. Depuis l'origine de YA+K, on a rendez-vous une fois par an avec un monsieur qui a des cheveux un peu plus gris que nous et qui nous a beaucoup questionnés sur la taille d'entreprise qu'on souhaitait développer. On s'était toujours dit avec Florent qu'on aimerait vraiment avoir une taille d'équipe qui nous permette de créer de vrais liens de proximité et de s'assurer que chaque personne soit bien. Pour nous, 12 personnes c’est le maximum. Au-delà, on pense que ce sera difficile et qu'on entrera plus dans une gestion d'entreprise, d'équipe.
Notre vision, c'est plutôt de se dire que des personnes comme Marion, qui est en Bretagne, Romain, à Grenoble, pourraient en revanche développer leur équipe à eux et donc faire que la core team au total grandisse. Mais qu'en tout cas, en termes de proximité, on soit à une taille honnête.

En dehors de la taille de l’équipe, notre vision, notre intention, c’est de créer une entreprise qui permette d'avoir un environnement de travail ultra épanouissant pour chacun, et ça c’est hyper important pour Florent et moi. D’ailleurs, ce qui peut me créer le plus d’insomnies ou de tracas, c'est si un des membres de l'équipe n'est pas bien.  Pour résumer, notre vision c'est de construire une entreprise où chaque membre s'épanouisse.

Audrey : Depuis le début de l'aventure, YA+K a connu du turnover, comme toute entreprise. Pourrais-tu nous partager votre process d'offboarding ?

Laura : Je partirais bien du départ de François où on a un peu plus conceptualisé, réfléchi notre process. J’ai eu un déclic au festival Art of Hosting qui a lieu chaque année et qui réunit des praticiens de la facilitation. Il y avait un sujet qui était sorti sur le forum ouvert : “comment valoriser le deuil en entreprise?” ça m’a fait un déclic. François était tellement apprécié dans l'équipe - 5 ans qu'il était avec nous - il fallait que l’on trouve comment vivre ensemble le deuil de son départ.
L’idée était de prendre du temps dans notre quotidien pour en parler et se dire que ça ne sera plus jamais identique sans lui. Sur une échelle de 10 personnes, il représentait 10% de la culture d'entreprise. ça a vraiment cheminé dans ma tête pour aboutir à un process en plusieurs étapes.

Il y a eu des temps avec lui pour savoir comment s'organiser. On a vraiment planifié son départ et la passation de ses projets. Ensemble, nous avons pris beaucoup de temps pour savoir comment lui, il vivait les choses et comment nous, co-fondateurs, nous le vivions.

A chaque réunion bien technique de passation de projet, on a passé un grand temps d'inclusion : Comment ça va ? Qu'est-ce qu'on ressent ? Pour lui comme pour nous, il y a eu différentes phases. De son côté, de l’enthousiasme, des « est-ce que je prends la bonne décision ? Vous allez me manquer, tu vas nous manquer. »
Il y a aussi eu deux mois d'angoisse pour recruter quelqu'un avec cette question : comment peut-on remplacer François ?

"Toutes ces réunions ont donc été importantes."


Il y a également eu le temps de l’annonce : auprès des membres de l’équipe, et plus tard, des clients avec qui François travaillait et auprès des partenaires de travail rapprochés. Réfléchir au bon moment. Nous avons ouvert des espaces de dialogue et passé du temps à accueillir les réactions de chaque membre de l’équipe, de la tristesse et de la peur liées à son départ par exemple. 

Concernant vraiment la célébration de son départ, on a fixé plusieurs mois en avance la date du 4 juillet qu'on a composé en plusieurs temps. C'était une journée où toute l'équipe s'est mobilisée pour lui dire au revoir. On a fait des activités ludiques qui lui ressemblaient. On a retracé ses 5 ans chez YA+K à l'aide de souvenirs et de photos. Il y a eu des témoignages de participants, de personnes avec qui il a travaillé. On lui a fait des cadeaux. On a partagé des moments. Le soir, on a fait une fête avec toutes les personnes avec qui il a travaillé, elles lui ont donné énormément de signes de reconnaissance et des cadeaux. La core team avait construit un discours retraçant qui il était “l’employé modèle”.

Et puis il y a des choses qui me paraissent très simples : faire la passation de son drive, ses logiciels, son ordinateur, son téléphone et prendre le temps, la dernière semaine, de tout déconnecter et tout poser.

Audrey : Donc là, si on remet dans le contexte, François est parti parce qu'il a démissionné pour faire une reconversion professionnelle. Vous n’aviez pas envie de vous séparer de lui mais vous l’avez accompagné dans son choix ainsi que toute l’équipe dans ce changement profond. Dans le cas où il s’agirait d’un licenciement, la situation est différente. Comment vois-tu le offboarding ?

Laura : Je pense qu’il est important de réaliser que l'on blesse quelqu'un, qu'on touche à son estime. C’est une décision difficile à prendre qui a engendré pas mal d’insomnies et de maux de ventre. Emotionnellement, c’est complètement différent d'une situation comme celle de François.

Audrey : A la lumière de ces expériences, en quoi est-ce important finalement d'avoir un process d'offboarding ?Quelle que soit la situation et même si le process peut être différent, je pense que c’est important afin d’apporter beaucoup de sérénité pour la personne qui part et pour l'équipe. ça permet de ne pas se faire rattraper par le quotidien professionnel et vraiment d'avoir des espaces de discussion.

Laura : Que ce soit voulu ou non, l’équipe n'est plus la même. Il y a plein de questions qui peuvent émerger, plein d'émotions et donc je pense que s’il n’y a pas de process, on se retrouve rapidement au jour J où la personne s'en va et on n’a pas pris le temps de faire le deuil de ce qui existait et ce qui ne sera plus. Sans ça, je pense qu’il ne peut pas y avoir une émergence de la suite très positive, d’un côté comme de l’autre. Oui, je dirais qu’il est nécessaire de bien clôturer pour démarrer une nouvelle aventure, de fermer la porte pour en ouvrir une autre.

Avec un process comme on l’a fait avec François et qui s’étend dans le temps, il y a plein de choses qui évoluent, qui cheminent. Si on devait prendre toutes les décisions d'un coup et dire “Bah, tiens c'est dans deux semaines, en fait”, elles seraient peu éclairées à cause du manque de recul.

En lien avec les apprentissages par exemple, avec Florent nous avons dédié quand même 6 mois à ce offboarding et malgré tout, on a fait une erreur, alors qu’on pensait avoir réfléchi à tout : on n'a pas impliqué François dans le recrutement de sa remplaçante. Maintenant qu'on le dit, ça paraît une aberration mais on avait tellement de choses à gérer - l'administratif, s'assurer que l'équipe est ok, rassurer les partenaires, les clients, lancer le recrutement.

On est parti à fond faire appel à des cabinets de recrutement pour nous aider. Les journées étaient remplies et à un moment je me suis rendue compte de l'énorme bourde. Pour moi, ça envoie l’image de : “on n'a pas besoin de te demander qui peut faire ton travail”. Je me suis platement excusée car énorme loupé !

Donc si on ne prend pas le temps, qu’on n’a pas de process, d’étapes clés, je pense qu'il y a des choses très importantes qui peuvent passer à la trappe.

Audrey : Si je comprends bien, avoir un process défini et documenté permet de clôturer la relation pour les deux parties prenantes afin d’envisager l'avenir plus sereinement.

Laura : Oui ! Autre grosse erreur qu'on a faite, c’est de présupposer des choses, notamment sur le niveau de nouvelles que la personne souhaite recevoir une fois qu'elle est partie.
Je me suis par exemple projetée en me disant que si on lui donnait des nouvelles, ça lui ferait du mal alors que c'était plutôt l’inverse. L’apprentissage pour moi, c'est vraiment de poser la question à la personne qui s'en va : “Comment veux-tu garder le lien avec la structure avec laquelle tu as travaillé des années ? Est-ce que tu veux être invitée régulièrement à des pots ouverts ? Est-ce que tu veux encore recevoir des newsletters ?”

Audrey : Justement, c'est une bonne transition pour terminer. Que penses-tu améliorer dans votre process de offboarding ?

Laura : Ce serait d’avoir leréflexe de poser dans l'agenda des temps où on va en parler, sans forcément savoir ce qu'on va mettre derrière tout de suite mais de se dire que c’est le flux naturel de la vie et on a besoin d'en parler. En parler avec l'équipe, avec la personne concernée, entre dirigeants, avec l'écosystème de travail de la personne. Je trouve ça vraiment essentiel.

Autre apprentissage : prévoir un moment de clôture après le départ. Petite anecdote : on avait bien posé la journée du 4 juillet pour dire au revoir à François. On s'est dit qu’il faudrait qu'on fasse un point tous les trois… et c’est passé à la trappe, c’est dommage. Heureusement, je suis amie avec François donc on en a reparlé depuis mais on n’a pas clôturé la relation à trois. Donc je dirais que c’est vraiment important de faciliter des séquences pour valoriser ce qu'on a vécu ensemble, les moments, les projets, les succès, les anecdotes.
En fait, toute la partie admin c'est pas l'essentiel. Ça va se faire dans tous les cas.

Audrey : Finalement ce que j'entends aussi c'est qu’il ne faut pas occulter un départ, bien que ce soit inconfortable pour tout le monde, parce que ça va renforcer ou déclencher les émotions négatives et impacter le reste de l’équipe.

Laura : C'est clair, plus on va lui accorder du temps et de l'importance, mieux il sera vécu finalement. C’est important de favoriser les changes en bilatéral et en équipe. François avait appelé tout le monde individuellement, on avait rappelé tout le monde individuellement aussi pour justement savoir ce que ça générait.
C'est également important de se réunir et de s'entendre tous ensemble. Les temps en binôme, ça a une grande valeur, mais respirer collectivement cette discussion, ça l’est tout autant.

Audrey : Est-ce que tu penses que c'est applicable dans de très grandes entreprises ?

Laura : Je ne vois vraiment pas de limite, même une équipe à 20. ça me fait penser à un chercheur avec qui YA+K a travaillé - Christian Clot - enfin c'est surtout un explorateur qui va aux quatre coins du monde pour analyser le comportement humain et il fait des conférences sur le leadership. Je l'avais fait intervenir chez Airbus et il avait fait toute une conférence où il expliquait : “Voilà, on est en Antarctique. Il y a une équipe, il y a un bateau qui se craquèle ; donc l'équipe va devoir marcher des jours durant sur la banquise, donc dans des conditions très, très difficiles pour rejoindre la première habitation. Il y a des personnes qui vraiment faiblissent : qu'est-ce que vous faites ?”  C'est une question qui paraît un peu basique mais sa réponse m'a marquée : “tu n'abandonnes jamais une personne parce que sinon tu génères chez les autres la peur d'être la prochaine personne mise sur le banc de touche.”
Je me dis qu’une personne qui s'en va, il faut tellement soigner son départ parce que tu renvoies aussi à tous les autres qu’ils sont importants, et qu’on soignera aussi leur départ si un jour ils décident de partir. C'est vraiment essentiel de valoriser la personne qui part et pas seulement celle qui arrive.

Audrey : Est-ce que tu aurais une dernière chose à nous partager concernant l'offboarding ?

Laura : Je trouve que c’était vraiment extra d'aller faire du paddle tennis ensemble, d'aller faire un escape game, on a ri. Mais je pense que ce qui a été le plus utile pour la suite, ce sont tous ces temps de discussion très simples sans superflus. Donc je pense que pour une entreprise, c'est pas de faire appel forcément appel à l’extraordinaire mais plus de réfléchir : comment pouvons-nous chouchouter la personne qui s'en va sur les 4 ou 6 mois qui lui reste ? 

Mille mercis à Laura pour avoir répondu avec autant d’authenticité et d’humilité à mes questions.  

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©Ya+K


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Audrey Le Roux, 
facilitatrice et formatrice
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